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Fermer Fessenheim n'est pas prioritaire

LE CERCLE/POINT DE VUE - Après l'étude de critères rationnels, rien ne justifie la nécessité de fermer, en priorité, la centrale nucléaire de Fessenheim.

La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). 
La centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin). (Fred Marvaux/REA)

Par Bertrand Barre (ancien directeur des réacteurs nucléaires au CEA et enseignant), Pierre-René Bauquis (ancien directeur stratégie de Total et enseignant)

Publié le 31 janv. 2018 à 07:46

La loi de transition énergétique pour une croissance verte, votée en 2015, stipule notamment que la part d'électricité nucléaire doit être réduite de 75 à 50 %. A moins que la loi ne soit amendée, EDF devra donc, lors de la mise en service industriel de l'EPR de Flamanville, mettre à l'arrêt définitif au moins 1.650 mégawatts (MW). La loi ne précise pas où procéder à ces arrêts.

Le parc nucléaire français est constitué de 58 tranches réparties en 34 tranches de 900 MW, 20 tranches de 1.300 MW et 4 tranches de 1.500 MW. Pour limiter la perte de production et les émissions de CO2 par les centrales à gaz nécessaires pour compenser l'intermittence des centrales éoliennes et solaires, EDF devra sans doute arrêter un site de deux tranches de 900 MW. Comment choisir ?

Un choix politique

Les principaux critères à prendre en compte sont le vieillissement, la sécurité et la sûreté (évaluées par l'Autorité de sûreté nucléaire ou ASN), l'économie, les difficultés de refroidissement à l'avenir, l'équilibre du réseau, les questions sociales liées à la fermeture, et les conséquences potentielles d'un accident grave, d'un attentat majeur ou d'un bombardement. Sur aucun de ces critères, Fessenheim n'est la centrale à fermer en priorité.

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Le critère d'ancienneté mis en avant n'est pas pertinent. En effet, l'ASN soumet tous les dix ans les centrales nucléaires à des examens approfondis. A l'issue de ces examens, elle établit une liste d'opérations de jouvence dont la réalisation conditionne l'autorisation de fonctionner une décennie de plus. 

La vraie raison du choix de Fessenheim est politique. Elle est liée à son caractère frontalier avec l'Allemagne. Mais il serait paradoxal que l'alimentation de la France en électricité soit déterminée par le lobby antinucléaire allemand. D'autant plus que l'Allemagne a fait le choix de « sortir du nucléaire », sous la pression des Grünen, à la satisfaction de ses producteurs de charbon et de lignite, mais sans concertation avec ses partenaires français.

Equilibre du réseau

EDF pourrait choisir d'arrêter la paire de tranches dont la jouvence obligatoire serait la plus onéreuse ou au prix du kilowattheure le plus élevé. Elle pourrait aussi choisir de préserver les tranches en bord de mer, insensibles au débit des fleuves durant les canicules, où la demande électrique croîtra avec le développement de la climatisation et la hausse des températures.

Un critère essentiel sera l'équilibre du réseau, en gardant la répartition la plus homogène possible sur le territoire. De son côté, le gouvernement sera attentif aux problèmes d'emplois locaux, moins critiques sur les sites équipés de plus de deux tranches puisqu'ils ne seront pas fermés.

Reste la question des accidents majeurs, du terrorisme ou des bombardements. Ce risque devrait constituer un critère essentiel, mais il peut difficilement être discuté sur la place publique. Au regard de ce critère aussi, la fermeture de Fessenheim n'est pas prioritaire.

Risque de black-out

On pourra peut-être se demander pourquoi se focaliser sur les premiers réacteurs à arrêter, alors qu'il faudrait arrêter 17 tranches pour réduire à 50 % la part d'électricité d'origine nucléaire. Mais on ne pourra pas les arrêter sans risquer des black-out aux conséquences désastreuses. En effet, la demande est maximale durant les soirées d'hiver très froides, celles où il n'y a ni soleil ni vent. 

Comment répondre aux pics de demande d'électricité sans solaire ni éolien ? Faudra-t-il remplacer chaque tranche nucléaire arrêtée par une centrale au charbon ou au gaz ? Est-ce là le sens de la transition énergétique ? En outre, si l'on veut remplacer les énergies fossiles dans les transports et le chauffage, il faudra plus d'électricité et non pas moins d'électricité !

Les dirigeants d'une France « en marche » vers la transition énergétique et une économie décarbonée devront rechercher la meilleure combinaison possible des énergies renouvelables et du nucléaire. S'ils s'obstinent à vouloir fermer des réacteurs, qu'ils le fassent au moins sur des critères rationnels.

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Bertrand Barré est ancien directeur des réacteurs nucléaires au CEA et enseignant. Pierre-René Bauquis est ancien directeur stratégie de Total et enseignant.

Bertrand Barré et Pierre-René Bauquis

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