Fini le temps de l'incantation. Bercy vient d'investir dans 31 projets de relocalisation en France. Création de la plus grande usine d'insectes au monde, investissement dans l'aluminium, développement des anti-cancéreux, sécurisation de l'approvisionnement de 12 médicaments clés... Le gouvernement a choisi des secteurs d'avenir "stratégiques et à forte valeur ajoutée". Il compte ainsi lancer une dynamique à l'heure où la tendance est à la réduction d'investissement pour compenser les pertes liées à la pandémie. 

Il a fallu le Covid-19 pour que la France prenne conscience de son extrême dépendance à des pays étrangers dans des secteurs pourtant stratégiques comme la santé. Pénurie de masque, de doliprane, de respirateur… Face à ce terrible constat, un maître mot : la relocalisation. Et ce nouveau credo porté par Emmanuel Macron prend enfin forme. Le 19 novembre, Bercy a dévoilé les 31 premiers projets de relocalisation qu’il soutient. Au total, le gouvernement a mis 680 millions d’euros sur la table, dont 140 millions débloqués dès cette année. 
Les projets ont été sélectionnés dans cinq secteurs stratégiques : la santé, l’agroalimentaire, l’électronique, les intrants essentiels (chimie, métaux, matières premières) et la 5G. "Il ne s’agit pas de tout relocaliser en France ou en Europe", avancent le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et la ministre chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher. "Il s’agit d’identifier et d’agir dans les secteurs d’avenir stratégiques et à forte valeur ajoutée", expliquent-ils. 
Projets de relocalisation
Sécuriser la production de médicaments
Ainsi, le gouvernement a retenu le groupe Seqens, leader mondial français de la synthèse pharmaceutique chimique. Son projet, baptisé High Potent consiste à créer un nouvel atelier de production de principes hautement actifs, dédié en priorité à la production d’antiviraux et d’anticancéreux. Un autre projet du groupe, visant à sécuriser la chaîne logistique de principes actifs entrant dans la fabrication de médicaments luttant contre le Covid-19, a également reçu le soutien du gouvernement. Ce projet permettra d’assurer l’approvisionnement de 12 médicaments clés qui ont connu des ruptures au plus fort de la crise. Un coup de pouce bienvenu alors que 80 % des principes actifs des médicaments en France sont produits hors d’Europe. 
Du côté de l’agroalimentaire, les projets sélectionnés par Bercy sont particulièrement verts. Le gouvernement va ainsi aider B&C Yes à créer un site industriel à Pontchâteau (Pays-de-la-Loire) pour fabriquer des produits vegan imitant la charcuterie et la viande. La gamme Kokiriki est issue de matières premières à 90 % d’origine française. Un projet qui permettra de "structurer la filière des protéines végétales en France". Pour aller encore plus loin dans la transition agroalimentaire, le gouvernement mise sur Innovafeed. Cette PME compte construire le plus grand site de production et de transformation d’insectes au monde alors que la France importe aujourd’hui plus de 50 % des protéines végétales nécessaires à l’alimentation animale.
Lancer une dynamique
Du côté des matières premières, ces "intrants essentiels à l’industrie", comme les appelle le gouvernement, Bercy table sur Trimet France. Alors que l’approvisionnement en aluminium a montré des signes de tension en France, l’État va aider le producteur français à moderniser son usine d’aluminium et la rendre moins polluante en transformant son système de captation des fumées. Autre innovation importante soutenue par le gouvernement : les microcomposants microLEDS à nanofils. Cette technologie de rupture développée par la startup grenobloise Aledia permet de produire des écrans bien plus performants en termes de qualité et de consommation énergétique que les écrans qui dominent actuellement le marché.
L’enjeu global pour le gouvernement est de lancer la dynamique autour de la relocalisation, alors que la tendance est plutôt à la baisse des investissements en raison de la pandémie de Covid-19.  "Les dirigeants ont le pied sur le frein", estime dans les Échos Marc Lhermitte. Le cabinet EY, dont il est associé, vient de publier un sondage auprès d’investisseurs internationaux qui montre qu’un tiers d’entre eux n’envisagent pas de changement majeurs dans leurs chaînes de production et d’approvisionnement. 
Marina Fabre, @fabre_marina

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes