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Dans les Vosges, un HLM de huit étages en paille

Ce procédé de construction, très performant d'un point de vue environnemental, intéresse aujourd'hui collectivités locales et bailleurs sociaux.

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Publié le 19 mai 2014 à 17h54, modifié le 22 mai 2014 à 15h14

Temps de Lecture 4 min.

L'mmeuble Jules-Ferry, à Saint-Dié-des-Vosges.

Comme dans le conte Les trois petits cochons, c'est une maison construite en bois, paille et tuile. Et pourtant elle est solide et ne craint ni le méchant loup, ni même le vent ou l'incendie. La résidence HLM Jules-Ferry, à Saint-Dié-des-Vosges, s'impose comme une référence européenne, par sa hauteur et ses performances thermiques. Le bâtiment de couleur brique, blanc et gris métallisé, est, avec ses huit étages, l'immeuble en bois et en paille le plus haut jamais construit en France. Il a été mis en location en janvier par le bailleur social Le Toit Vosgien.

Ce procédé de construction est ancien. En France, la première maison avec une isolation en paille a été construite à Montargis en 1920, elle est même toujours en très bonne état. Mais depuis une dizaine d'années, le bâti en paille a réellement pris son envol avec l'établissement de règles professionnelles validées en 2011 par l'Agence Qualité Construction (AQC). Une certification qui a fini par ouvrir aux constructeurs la porte des assurances et garanties décennales, comme l'accès aux marchés publics.

IMMEUBLE DE 20 LOGEMENTS

Avant l'obtention de cette certification, en 2010, le Réseau français de la construction en paille recensait dans le pays 700 édifices en paille. Il en existe aujourd'hui près de 3 500. La filière compte plus de 200 artisans, architectes, bureaux d'étude spécialisés. La demande dépasse désormais le cadre des maisons individuelles et émane aussi de plus en plus des collectivités territoriales. De nombreux équipements collectifs, comme une école à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), des salles de spectacles à Marseille, en Bourgogne, ou dans le Centre ont récemment vu le jour. Ces constructions ne dépassaient pas toutefois trois ou quatre étages jusqu'alors.

Implanté à Saint-Dié sur une parcelle de 2 500 m2, à l'emplacement d'une ancienne école, l'immeuble Jules-Ferry, qui compte une vingtaine de logements de type T3, T4, est disposé de façon optimale par rapport à l'ensoleillement. La partie à vivre de chaque appartement est éclairée par une baie vitrée donnant sur un balcon orienté plein sud. L'apport solaire permet d'assurer 30% des besoins en chauffage par rayonnement direct.

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TRÈS BONNE ISOLATION

La structure en bois massif associée à des caissons, préfabriqués, enfermant hermétiquement de la paille, assure une isolation permettant de réduire de moitié les besoins énergétiques des logements par rapport aux exigences de la réglementation thermique actuelle.

Une pompe à chaleur, un système géothermique, une ventilation double flux et des panneaux solaires sur le toit viennent encore accroître la performance énergétique du bâtiment. « Combinés à une très bonne isolation et une exposition optimale, ces équipements permettent d'assurer 95% des besoins en chauffage (eau et air) de l'immeuble, sans recours à une quelconque énergie fossile venant de l'extérieur. Nous cherchons par ailleurs à récupérer un maximum de calories sur l'extraction de l'air et l'évacuation des eaux usées », explique Jean-Luc Charrier, directeur technique du Toit Vosgien. Même l'énergie générée par le freinage de l'ascenseur est récupérée, et transformée en électricité.

Résultat: les charges pour le chauffage, l'eau chaude, la ventilation et l'entretien s'élèvent à seulement 11 euros par mois, soit 132 euros par an, là où celles dans un logement social construit de façon traditionnelle montent jusqu'à 150 euros par mois... au moins. « Je fais un sacrée économie, se félicite Madelaine Mathieu, retraitée, en ouvrant les cahiers de comptes qu'elle tient scrupuleusement depuis des années. Avant c'est bien simple, chaque mois j'en avais pour 160 euros de fioul pour le chauffage et 40 euros de gaz pour l'eau chaude et la cuisinière. » Et aux économies s'ajoute le confort, apprécie Jeaninne Schmitt, factrice : « C'est agréable car il fait toujours bon lorsqu'on rentre chez soi. L'appartement reste toujours à température ambiante, sans qu'on ait besoin de consommer l'énergie. »

PRÉOCCUPATION SOCIALE

« Notre préoccupation initiale est sociale, souligne Alain Weil, président du Toit Vosgien. Dans notre région, où les hivers sont rigoureux, le chauffage est un poste de dépense important. Et agissant sur un bassin d'emplois à l'activité économique déclinante, où le taux de chômage avoisine les 15%, nous cherchons avant tout à lutter contre la fracture énergétique, explique-t-il. L'enjeu environnemental a rejoint notre préoccupation sociale. » Le bailleur a été jusqu'à installer dans chaque logement un four basse consommation et une table de cuisson à induction de classe A. Et chaque foyer est équipé d'un petit écran de contrôle où sont affichées la température, l'hygrométrie, et les consommations d'eau et d'électricité.

Le Toit Vosgien envisage de reproduire la performance de la résidence Jules-Ferry avec un immeuble en bois et paille de… 15 étages. « Epaisses de 40 cm, les parois de tels bâtiments reviennent moins cher qu'une isolation à base de fibre de cellulose, et à peine plus cher qu'un mur en polystyrène, une solution économique mais peu écologique », souligne Jean-Luc Charrier. Et la préfabrication des caissons de paille comme des panneaux de bois de la structure permet de réaliser un chantier propre et rapide.

Découpe d'un caisson de paille, fixé sur la structure en bois de l'immeuble et couvert sur l'extérieur d'un bardage en tuiles de terre cuite

BILAN CARBONNE POSITIF

Le bilan carbone d'une telle construction est positif de 1 100 tonnes de CO2. A titre de comparaison, un édifice classique béton-polystyrène-PVC dégage lors de sa construction l'équivalent de 600 tonnes de CO2. « En utilisant du bois et de la paille, on stocke du CO2. Lors de la construction d'un bâtiment classique respectant la réglementation thermique actuelle, on rejette autant de CO2 que l'on en économisera par la suite », explique Philippe Liboureau, entrepreneur et directeur national du Réseau français de la construction en paille.

« Si la France s'est lancée tard dans la construction en paille, aujourd'hui elle a une petite longueur d'avance en Europe comme sur les Etats-Unis ou le Canada, pays où les premières maisons en paille sont apparues à la fin du XIXe siècle, constate Philippe Liboureau. Les édifices en paille ne feront leur entrée dans le code américain que début 2015. »

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