"Première étape dans la direction de la social-écologie" pour Delphine Batho, ministre de l'écologie ; "usine à gaz" source d'"injustice" pour l'UMP : la proposition de loi instaurant un bonus-malus sur la facture d'énergie, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale, lundi 11 mars, suscite de vives critiques. L'opposition a d'ores et déjà clamé qu'elle saisira le Conseil constitutionnel.
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Le texte initial a pourtant déjà été largement modifié après son rejet par le Sénat en octobre. Mais la mise en œuvre (à partir de 2015) promet encore d'être complexe. Présentation de cette "fusée à deux étages", selon les mots de François Brottes, député PS de l'Isère et auteur de la proposition de loi.
- Un "volume de base" attribué à chaque foyer
Pour qualifier la consommation énergétique, le législateur a défini un "volume de base". Ce volume d'électricité ou de gaz – dans la quasi-totalité des cas – est "représentatif du premier quartile de la consommation" en France. En clair, il dépend de la quantité moyenne d'énergie consommée en un an par le quart de la population le plus vertueux.
Il sera attribué chaque année aux foyers selon les critères suivants :
- le nombre de personnes résidant dans le foyer.
- le mode de chauffage et de production d'eau chaude dans le logement (électricité, gaz, chaleur).
- la localisation du logement, selon la commune dans lequel il est situé. Un cœfficient "compris en 0,8 et 1,5" est ainsi appliqué en fonction "des conditions climatiques et de l'altitude de la commune".
Contrairement à la version initiale, qui ne concernait que les résidences principales, les résidences secondaires seront elles aussi touchées. Mais le volume de base sera fixé à la moitié de la consommation annuelle d'une personne seule et ces logements seront seulement assujettis au malus (voir ci-dessous).
Pour chaque résidence et pour chaque type d'énergie, la loi définit trois "tranches de consommation" :
- Première tranche : consommation dans la limite du volume de base.
- Deuxième tranche : consommation comprise entre 100 % et 300 % du volume de base.
- Troisième tranche : consommation au-delà de 300 % du volume de base.
Ces tranches ont été "élargies" par rapport à la version initiale : le texte présenté en septembre fixait la limite de la deuxième tranche à 150 % et non 300 %.
- Un bonus-malus appliqué selon la consommation du foyer
Toutes ces informations, collectées à partir de 2014 par un organisme créé par la nouvelle loi, devront ensuite être envoyées aux fournisseurs d'énergie afin qu'ils appliquent les volumes de base calculés spécifiquement pour les 36 millions de foyers fiscaux français.
S'appliquera ensuite le fameux système de bonus-malus, qui sera explicitement mentionné sur la facture. Les foyers ayant consommé moins que le volume de base prévu verront leur facture allégée et ceux ayant consommé plus la verront s'alourdir, selon les tarifications suivantes (en euros par mégawattheure du volume de base) :
Une tarification spécifique est prévue pour les immeubles équipés d'un chauffage collectif. Dans ce cas, "la répartition du bonus-malus entre les logements de l'immeuble est effectuée par le propriétaire unique de l'immeuble ou le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic. Elle tient compte des niveaux de consommation individuels de chaque logement", indique la loi.
Comment lire ce tableau ? Tout d'abord, tous les foyers recevront le bonus, déterminé chaque année par le gouvernement, dans les limites prévues ci-dessus. Puis les foyers réalisant un dépassement de 100 % à 300 % de leur volume de base recevront un premier malus, en euros par mégawattheure du volume de base. Puis, enfin, ceux réalisant un dépassement de 300 % se verront appliquer un second malus en euros par mégawattheure du volume de base.
A titre d'indication, un logement français avait une consommation énergétique de 17,4 MWh (le plus souvent gaz et électricité) en 2010, selon les chiffres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Les bonus et malus sont susceptibles d'être revus chaque année par la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
- Le "tarif social" de l'énergie élargi
Afin de répondre aux critiques d'"injustice", la proposition de loi adoptée lundi prévoit également d'élargir le droit au "tarif de première nécessité" (TPN), dont bénéficient actuellement 600 000 ménages environ (bien qu'au total 2,5 millions pourraient y prétendre). Cette tarification spéciale permet aux foyers les plus modestes de réduire leur facture de 40 % à 60 % (selon le nombre de parts fiscales), soit une économie allant "jusqu'à 140 euros par an", affirme EDF sur son site. La ministre de l'écologie, Delphine Batho, a elle évoqué un "gain de 200 euros" par foyer pour le gaz et "90 euros pour l'électricité".
Peuvent bénéficier du TPN tous les foyers ayant accès à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), c'est-à-dire ceux dont les revenus des douze derniers mois sont inférieurs à 7 934 euros pour une personne seule ou 11 902 euros pour deux personnes (voir tous les plafonds sur le site Service-Public.fr).
Les foyers bénéficiant du tarif de première nécessité seront soumis à un système de bonus-malus différent, avec "des taux de malus minorés pour les consommations individuelles d'électricité et de gaz". Le texte de loi ne précise pas ces malus, qui seront définis par arrêté des ministres de l'énergie et de l'économie.
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