Quelques considérations sur le bois, son séchage, sa découpe, son stockage.

 

 

De nombreuses essences sont utilisables pour réaliser des modèles réduits de bateau. Il y a tout de même quelques principes à ne pas oublier. On peut citer en premier le problème de l’échelle. Chaque bois possède un grain et un veinage plus ou moins apparent et étant donné que l’on travaille en réduction, ce grain et ce veinage doivent aussi être réduits. Ainsi, par exemple le chêne a un grain très apparent tandis que les fruitiers ont, d’une façon générale beaucoup moins de grain. Il faut tenir compte aussi pêle-mêle de la dureté qui doit être suffisante mais pas trop importante, de la souplesse pour la réalisation des pièces cintrées, de l’existence de fil ou pas qui va conditionner la difficulté à travailler le bois, de la couleur….

Le bois qui a la préférence de beaucoup est le poirier

 

Période idéale d’abattage des arbres

 

Vous avez dans votre jardin ou vous avez repéré dans un verger abandonné près de chez vous un vieux poirier de 50 centimètres de diamètre qui ne demande rien à personne  et avez négocié son acquisition. 

Le meilleur moment pour le couper est la saison « hors sève », c’est à dire en pratique l’hiver : en plaine, de fin novembre à début mars, en montagne  d’octobre à mars.

Le motif de ce choix est que le bois contient ainsi le minimum de sève, qu’il sèchera plus vite et mieux et sera moins sujet aux attaques des champignons et des parasites.

Si on a pas le choix et que l’on doit le couper à une autre période il faudra prendre des précautions que nous verrons plus loin.

Traditionnellement le bois est « luné » c’est à dire coupé en période de lune descendante ce qui améliorerait la conservation dans le temps du bois. Je ne sais pas si il existe une explication scientifique à ce phénomène ou si c’est du domaine de la superstition…..

 

Découpe de la grume

 

Une fois l’arbre par terre, qu’en fait on ?

Justement, on ne le laisse pas par terre car sinon il va être rapidement attaqué par tout un tas d’insectes et de champignons microscopiques qui viennent du sol. On l’entrepose donc sur des parpaings, le meilleur endroit étant à l’extérieur mais abrité de la pluie et du soleil.

Quand doit on le faire débiter ?

Si on le fait sécher à l’air, et si il a été coupé l’hiver le meilleur moment est l’automne qui suit l’abattage, ainsi il sèchera plus doucement et donc avec moins de déformation que si il est coupé séance tenante auquel cas les plateaux seront exposés aux  températures estivales dès le début.

Quoiqu’il en soit, il est déconseillé de garder une grume non sciée pendant des années avant de la débiter, car la grume est alors beaucoup plus sensible aux attaques . Certains scieurs préconisent de débiter les grumes de suite.

Pour l’anecdote, en attendant le débit, le top est de stocker la bille dans l’eau au mieux courante, si vous avez une rivière au fond de votre jardin. Les charpentiers de marine pratiquaient ainsi et on retrouve encore du bois immergé dans l’eau de mer depuis plusieurs siècles en parfait état  L’avantage est d’avoir un bois débarrassé de sa sève ( rappelons que la présence de sève dans le bois favorise les micro organismes ), et tant qu’il est dans l’eau il est à l’abri des attaques ( sauf des bestioles aquatiques œuf corse !). Une fois sorti de l’eau et débité, le séchage sera idéal et les déformations minimum.

A quelle épaisseur faire débiter votre grume ?

Chacun a ses méthodes, voici la mienne.

Pour réaliser une maquette de bateau de quoi a-t-on besoin ? On a besoin de planchettes d’épaisseur variable principalement de 3 à 15 mm dans lesquelles on coupera les pièces en bois tors de la membrure à la scie à chantourner et on délignera les baguettes destinées au bordage et aux planchers à la scie circulaire.

Quelle est la taille idéale des planchettes ?

Les planchettes du commerce font en général de 8 à 10 cm de large par 50 cm de longueur. C’est une taille assez commode car elle est maniable et passe bien dans nos outils électriques miniatures.

Pour obtenir des planches rabotées de 10 à12 mm il est nécessaire d’avoir du bois brut d’au moins 16 ou 20 mm d’épaisseur. Ceci n’est vrai que si le bois a bien séché et n’est ni trop gauchi ni trop tuilé. Sinon il faudra des planches de départ de 24mm voire plus pour les ramener au bout du compte au même 10 ou 12 mm.

Explication : voici un plateau « tuilé », avant d’obtenir une planche correcte (en gris)  il faut enlever le blanc.

 Donc gros gaspillage, le bois part en copeaux. De plus vous devez avoir à disposition une raboteuse dégauchisseuse pour corroyer vos planches et une scie circulaire ou une scie à ruban ou une scie sauteuse costaud pour ramener vos planches à la largeur de la dégauchisseuse avant le dégauchissage.

Il est vrai que nous n’avons pas besoin de grandes planches et que l’on peut refendre les plateaux par le milieu ce qui diminue la perte.

Pour ma part je préfère faire couper la grume en plateaux de 80mm d’épaisseur.

En observant la tranche de ce plateau on remarque qu’il est lui même légèrement tuilé, mais sur un plateau de cette épaisseur cette déformation est minime et vu la façon dont on va le découper cela n’a pas d’importance.

 Ensuite il vous suffira d’avoir à disposition une scie circulaire sur table avec une lame au carbure de 250mm de diamètre qui permettra de refendre vos plateaux à l’épaisseur voulue avec une précision et un fini impeccable ne nécessitant au plus qu’un léger ponçage.

Deuxième possibilité, déligner les planchettes avec une scie ruban mais la lame de scie marque beaucoup le bois , il est nécessaire de raboter ensuite et d’en enlever assez épais avant d’avoir un fini correct, d’où d’une part, pas mal de temps passé, la nécessité d’une raboteuse et un gaspillage de bois.

Donc, le meilleure choix, en tous cas celui qui donne le meilleur rapport qualité de surface, précision rapidité et facilité de mise en œuvre :

Plateau de 80mm, scie circulaire.

 

 

Le séchage du bois

 

Nous avons anticipé un peu en parlant de la découpe des plateaux car avant de passer à ce stade il est souhaitable que le bois soit bien sec à cœur .Parce que si l’on découpe les planchette dans un plateau non sec le bois va ensuite sécher et on aura la surprise de voir les planchettes de 12mm se transformer en planchettes de 10mm ou pas loin, celles de 5mm en 4.3mm etc…Sans compter les déformations qui se produisent lors du séchage.

 

Le bois contient lors de la coupe beaucoup d’eau. On exprime cette humidité en un rapport entre la quantité d’eau et de matière sèche. Ce rapport peut parfois être supérieur à 100%.

Avant de pouvoir être valablement travaillé le taux d’humidité doit être ramené autour de 10%. On dispose pour cela de deux techniques, soit faire sécher tranquillement le bois à l’air, soit le faire étuver à la scierie. La deuxième méthode est valable si on est pressé, mais si le chauffage est trot fort on court le risque de voir les plateaux se fissurer et donc d’avoir de la perte à la découpe, cet inconvénient est d’autant plus important avec les bois fruitiers.

La préférence va donc au séchage naturel .

 

Comment faire sécher le bois ?

A l’abri de la pluie et du soleil, dans un endroit bien aéré mais pas en plein vent, surtout pas dans un local fermé car à défaut d’aération le bois risque de subir l’attaque de champignon microscopiques qui vont le tacher en profondeurs. Il faut favoriser la circulation de l’air entre les plateaux en intercalant des tasseaux de bois bien sec d’au moins 20mm d’épaisseur entre chaque on peut aussi brider fortement les plateaux avec du fil de fer pour éviter les déformations. Rappelons que les plateaux ne doivent pas être posés à même le sol.

 

Quelle est la durée du séchage ?

On entend traditionnellement dire que le bois sèche de 10 mm par an, ceci est vrai mais en fait il s’agit de 10mm par face exposée à l’air (et cette règle s'applique au chêne qui est un bois très dense pour un fruitier ça ira plus vite). En pratique les professionnels comptent même un millimètre par face et par mois. Ainsi, un plateau de 8 cm d’épaisseur ne mettra pas 8 ans à sécher mais seulement 40 mois soit 3 ans et 4 mois.

L’idéal est donc de stocker son bois à l’avance.

Si on est pressé, soit on le fait étuver, soit on le découpe directement en planchettes et dans ce cas là le séchage sera plus rapide : 5 mois pour une planchette de 10 mm, 3 mois pour une planchette de 6 mm, etc….Mais dans ce cas, comme nous le signalons plus haut,  tenir compte du retrait du bois en épaisseur et en largeur ( il n’y a pas de retrait en longueur) , car vos planchettes de 10 mm peuvent se retrouver facilement à 8.5 mm, ce qui n’est pas pareil…

En débitant des plateaux bien secs, il n’y aura pas de problème de retrait.

Quoique…..

Même avec un bois sec depuis trois cents ans le bois reste vivant quant à son aspect dimensionnel, et on peut avoir des surprises.. . Dans son passionnant ouvrage « L’art du modélisme », B. Frölich raconte qu’il a eu des problèmes avec une charpente de navire faite en poirier coupé depuis plusieurs dizaines d’année. Comment expliquer ce phénomène ?

Tout le monde à vu des fenêtres en bois qui, quoique non exposées directement à la pluie, s’ouvrent très bien l’été mais coincent l’hiver. En effet le bois est très sensible à l’humidité ambiante, il va gonfler si l’atmosphère est humide et se rétracter si l’atmosphère est plus sèche. Ainsi le poirier entreposé dans le garage ou l’atelier non chauffé, puis rentré dans la maison chauffée et à l’hygrométrie beaucoup plus réduite va mettre plusieurs semaines avant de se stabiliser . En passant de l’entrepôt à l’intérieur de la maison le bois peut perdre entre un et deux pour cent d’épaisseur, Sur une charpente de bateau constituée d’un « millefeuilles » de couples à touche touche sur une longueur de plus d’un mètre comme c’est le cas du navire en question, on peut avoir une variation de deux centimètres sur la longueur, ce qui fait une sacrée fissure sur un modèle réduit ! Gérard Delacroix fait même remarquer que sur sa tranche du Fleuron , qui ne bouge jamais de place, la largeur des joints des bordages des ponts, , varient au gré des saisons et du chauffage…

Comment éviter cet inconvénient ?

Il est important de stocker le bois sec dans un local où les conditions de température et d’hygrométrie sont les plus proches possibles de l’endroit où sera exposé la maquette, et ce au moins un mois et demi avant l’utilisation. Si votre garage n’est pas chauffé mettez le stock de bois sous le lit, bobonne va râler parce qu’elle ne pourra plus passer l’aspirateur mais bon….

Malgré tout, comme le fait remarquer Gérard Delacroix, en fonction de la saison et du chauffage, il y aura toujours des variations de largeur au niveau des joints de bordage et de pont sur un modèle qui pourtant ne bouge pas de place.

Dernière chose, il est bon d’empiler les planchettes sèches, en changeant le sens de la planchette à chaque fois, par petits paquets bien serrés avec plusieurs tours de scotch ou de forts élastiques genre tronçon de chambre à air afin de limiter encore la déformation du bois.