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L’énigme du signal potentiellement extraterrestre a 40 ans

Le 15 août 1977, un radiotélescope américain recevait un signal puissant et intrigant. Portrait du plus sérieux candidat à un signal d’origine extraterrestre.

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Publié le 15 août 2017 à 08h13, modifié le 15 août 2017 à 13h04

Temps de Lecture 5 min.

Le signal « Wow! » a 40 ans. Quarante années que ce signal entretient un certain mystère parmi la communauté des astronomes, et surtout parmi le grand public. Il faut dire que celui-ci réunissait certaines caractéristiques attendues d’un signal émis par une civilisation extraterrestre.

Tout commence dans la nuit du 15 août 1977 au radiotélescope de l’université d’Etat de l’Ohio – surnommé « The Big Ear » (la grande oreille) –, utilisé depuis quatre ans par le projet SETI dans le but de détecter d’éventuels signaux extraterrestres. Ce soir-là, les antennes métalliques du radiotélescope captent un signal particulièrement fort, entre 22 h 15 et 22 h 16, heure de l’Est (5 h 15-16 heures de Paris). Soixante-douze secondes de signal, et puis plus rien. Ce n’est que quatre jours plus tard que l’astronome Jerry Ehman, qui travaille bénévolement pour le projet SETI, reçoit à son domicile les relevés d’observation imprimés par l’ordinateur de la station, un IBM 1130. Il note alors un pic d’intensité exceptionnel codé par cette suite de chiffres et de lettres : « 6EQUJ5 » (l’intensité, enregistrée toutes les douze secondes, était notée de 1 à 9, puis de A à Z). L’astronome entoure les données en rouge et l’annote « Wow ! », impressionné par l’intensité hors du commun du signal, qui a désormais un nom.

Cette suite de chiffres et de lettres, entourée par Jerry Ehman lorsqu’il parcourut les relevés d’observation, est la seule trace que le radiotélescope a gardé du signal « Wow! ».

Très vite, l’annonce de celui-ci va attirer l’intérêt des astronomes autant que celle du grand public, intrigués par la possibilité réelle que ce message venu des étoiles ait pu être émis par une civilisation technologique extraterrestre. Car ce signal possède plusieurs caractéristiques extraordinaires. Le premier élément surprenant est son intensité exceptionnelle, le pic enregistré atteignant plus de trente fois l’intensité du bruit de fond de l’univers. Il s’agit du plus puissant signal de la sorte jamais enregistré.

L'intensité exceptionnelle du signal « Wow! »

Enregistrement de l'intensité du signal reçu le 15 août 1977 par l'observatoire radio de l'université d'État de l'Ohio.

Le deuxième élément est le fait que le signal ait été émis sur une bande très étroite de fréquence : moins de 10 kHz. Or, on ne connaît, à l’heure actuelle, aucun phénomène naturel capable d’émettre sur une bande étroite et à une telle intensité. Tous les signaux émis par des corps célestes, que ce soient des étoiles, des planètes, des pulsars, etc., émettent sur de nombreuses fréquences à la fois. Au vu des connaissances scientifiques accumulées, il est aujourd’hui considéré comme hautement probable qu’un signal à bande étroite ne puisse être produit qu’artificiellement, par une civilisation technologique.

Le troisième élément est la fréquence sur laquelle a été émis le signal : 1 420,4556 MHz. Ce chiffre ne vous dit peut-être rien, mais c’est précisément l’une des fréquences sur lesquelles les astronomes s’attendent à recevoir un message émis par une intelligence extraterrestre. Cette fréquence est extrêmement proche de la fréquence à laquelle un atome d’hydrogène émet des radiations (1 420,405751 MHz).

Une telle fréquence a des avantages considérables. Elle permet aisément à un message de « percer » les nombreux nuages de poussière interstellaire qu’il peut rencontrer, facilitant la propagation dudit message dans l’espace. En outre, cette fréquence a l’avantage d’utiliser un langage commun à toute civilisation souhaitant utiliser la radioastronomie pour communiquer : la physique. Une civilisation pratiquant la radioastronomie connaîtrait forcément la raie d’émission de l’hydrogène.

Enfin, cette fréquence ayant l’avantage de ne pas être absorbée par grand-chose, elle ne l’est pas non plus par l’atmosphère de la Terre, garantissant aux astronomes (qu’ils soient terrestres ou non) une qualité d’observation garantie.

Une origine encore inconnue

Dans les semaines suivant leur découverte, Jerry Ehman et ses collègues Robert Dixon et John Kraus écoutèrent sans répit la zone du ciel où l’on avait capté le premier signal, dans la constellation du Sagittaire. Pourtant, ils ne capteront rien, le ciel restera silencieux et le fameux signal ne fut jamais plus entendu.

Le signal peut-il être d’origine terrestre ? Les astronomes en doutent très fortement. D’une part, parce que la courbe du signal correspond à celle d’un point fixe du ciel. Les antennes du télescope étant fixes, la rotation de la Terre fait défiler le ciel devant celles-ci, et la courbe du signal correspond en tout point à cette vitesse de défilement. D’autre part, parce que la fréquence à laquelle le signal a été détecté exclut l’hypothèse d’un engin terrestre, cette fréquence faisant partie d’une bande (de 1 400 à 1 425 MHz) qu’un accord international interdit formellement d’utiliser : aucun engin terrestre n’est autorisé à émettre sur ces fréquences, de sorte qu’elles soient réservées à la radioastronomie.

Avant de faire l’annonce du signal, les astronomes ont également procédé aux vérifications d’usage : aucune planète, aucune sonde et aucun objet céleste connu ne se situait près de la zone où le signal a été détecté.

L’hypothèse cométaire a également été avancée. En juin 2017, une étude devant paraître dans le Journal of the Washington Academy of Sciences a avancé que le signal « Wow! » provenait de la chevelure d’hydrogène de la comète 266P Christensen, qui passa près de l’endroit de détection du signal en 1977, mais ne fut découverte que plusieurs décennies plus tard. Si l’auteur de la publication, Antonio Paris, a affirmé dans les médias avoir ainsi résolu l’origine de ce mystérieux signal, il n’en est en fait rien.

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L’étude, qui n’a pas encore été publiée mais qui est disponible en prépublication, comporte de nombreuses incohérences et fait état d’observations d’émissions d’hydrogène que les radioastronomes qualifient au mieux d’improbables, au pire d’impossibles, du fait du bien trop faible nombre d’atomes d’hydrogène composant la chevelure d’une comète (un atome d’hydrogène n’émettant sur cette fréquence que tous les onze millions d’années, il faut un excessivement grand nombre d’atomes pour obtenir une émission continue).

Antonio Paris, qui n’est lui-même pas radioastronome, n’a toujours pas apporté de réponse aux nombreuses critiques de ses pairs. Son article a été retiré du site du Center for Planetary Science le 15 juin.

Si l’on écarte raisonnablement toutes ces hypothèses, reste alors la piste… des extraterrestres eux-mêmes. Une piste qu’il est actuellement impossible de confirmer et qui restera probablement une énigme pour encore longtemps. Car aussi étrange que cela puisse paraître, nous ne disposons d’aucun enregistrement du signal en lui-même, et donc de ce qu’il aurait pu contenir. En effet, le programme informatique codé par Dixon et Ehman (alors bénévoles pour le projet SETI) ne faisait qu’enregistrer l’intensité du signal (tous les enregistrements que vous trouverez sur Internet sont des faux).

A cela s’ajoute le fait que nous ne sommes pas certains de l’origine spatiale du signal, car le radiotélescope possédait deux cornets d’alimentation, c’est-à-dire deux « tuyaux » pointant vers deux zones voisines mais différentes du ciel. Et personne ne sait par où est « entré » le signal « Wow! ». D’aucuns ont également noté qu’aucune étoile notable ne réside dans ces deux zones.

Les deux zones d’observation au moment de la détection du signal par The Big Ear sont représentées ici par ces deux ovales rouges, situées dans la constellation du Sagittaire, près du plan galactique (les deux zones ne sont pas représentées à l’échelle et devraient en réalité être plus étroites).

Il est donc plus que probable que le signal « Wow! » ne reste à jamais qu’un excellent candidat – le seul pour l’instant – à un signal d’origine extraterrestre. Jusqu’au prochain.

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