Les aimants permanents rendent les moteurs économes

Affichant des pertes deux fois plus faibles que celles des moteurs asynchrones, les machines synchrones à aimants permanents, quoique plus coûteuses à l'achat, se révèlent plus économiques au bout de quelques mois d'utilisation
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Avec un mégawatheure électrique à plus de 70 euros sur le marché libre, l'énergie devient un luxe. Pour les entreprises, le moment est donc venu d'investir dans les technologies économes. Tout particulièrement en ce qui concerne les moteurs, qui représentent près des trois quarts de la consommation électrique du secteur industriel. « Après avoir poussé, ces dernières années, le moteur asynchrone à ses limites en terme d'efficacité énergétique, nous pensons que le meilleur virage à prendre est celui du moteur synchrone à aimants permanents », estime Régis Giraud, le responsable de la division vitesse variable de Leroy-Somer.

Cette semaine, à l'occasion du salon lyonnais SCS Automation et Control, ce fabricant lance Dyneo, une gamme d'entraînements à aimants permanents de 0,25 à 400 kW susceptibles de remplacer au pied levé les dispositifs asynchrones ou à courant continu plus anciens. A la clé une masse divisée par quatre, passant par exemple de 1 500 à 400 kg pour une machine de 250 kW, et des pertes ramenées de 5 à 2,5 %. Incapables de démarrer de façon autonome, ces moteurs doivent toutefois impérativement être associés à un variateur de vitesse. D'où un surcoût de 20 à 25 % à base comparable (avec l'électronique). « En évitant de faire tourner les moteurs à pleine vitesse quand ce n'est pas nécessaire, un variateur permettra de réaliser des économies supplémentaires de 30 à 50 % sur la facture d'électricité », rétorque Régis Giraud.

Les atouts des nouveaux matériaux

Le pilotage électronique obligatoire, très vite amorti, constitue donc un inconvénient relatif. D'autant que de nombreux systèmes à la fois compacts et très performants apparaissent sur le marché. Le variateur Altivar 71 de Schneider Electric est suffisamment « intelligent » pour fonctionner sans capteur de position (mode dégradé) ou pour assurer une continuité de service en cas de surchauffe. A l'instar de ce produit, de plus en plus de variateurs ont la capacité de commander aussi bien des moteurs synchrones qu'asynchrones. Mais il est possible de faire encore mieux...

« Les prouesses de l'électronique et une conception électromécanique repensée permettent désormais de rendre une structure asynchrone... synchrone. C'est le moteur asynchrone auto-synchronisable », explique Michel Amiet, directeur des études amont de génie électrique à la DGA. En plaçant astucieusement des aimants derrière une cage métallique de forme étudiée (en « voûte aztèque »), l'idée est de démarrer la machine en asynchrone, avec un couple élevé (mais également des pertes non négligeables), puis de passer rapidement en mode synchrone. Dès lors, avec un glissement qui s'annule, le rendement s'améliore. Pour l'heure, il s'agit surtout d'une piste de recherche, mais très révélatrice du regain d'intérêt pour ce type de moteurs.

Autres ruptures en cours, celles des matériaux et notamment des aimants. L'arrivée de composites à base d'élastomères et de poudres magnétiques (baryum, strontium, samarium, cobalt, néodyme...) devrait faire baisser les prix en simplifiant les procédés de production (compression, injection ou extrusion au lieu de frittage) et en offrant la possibilité de réaliser des formes plus complexes. « Quoique 25 % moins performants que les aimants traditionnels du point de vue de la densité de flux rémanent, ces matériaux ont l'avantage d'être inoxydables et parfaitement insensibles aux courants de Foucault », souligne Marcel Jufer, professeur honoraire à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. En partenariat avec le fabricant Arelec, le laboratoire Laplace de Toulouse s'intéresse au sujet. « Grâce à ces matériaux, nous concevons un moteur synchrone pour l'électroménager qui sera facilement recyclable, très compact et 20 % plus efficace que les moteurs universels », avance Bertrand Nogarede, enseignant chercheur.

L'engouement dont bénéficie la machine à aimants permanents s'explique également par sa capacité à fonctionner à haute, voire très haute vitesse. Contrairement aux moteurs à collecteur et rotor bobiné, aucune pièce mécanique ne vient contrarier la rotation. « Au niveau du variateur, l'une des possibilités est de travailler en zone de défluxage, c'est-à-dire en réduisant le flux, précise Fabrice Vandenbrouck, chef de produits machine-outil chez Siemens. Au lieu de 6 000 tr/mn, on peut de cette façon monter jusqu'à 12 000 tr/min. »

Moins de pièces mécaniques

A condition toutefois de savoir maintenir les aimants en place... C'est souvent le point bloquant. Leroy-Somer l'a résolu au moyen d'un montage de type tenon-mortaise, sans colle ni frette. A l'avenir, les chercheurs du laboratoire Laplace à Toulouse espèrent atteindre les 60 000 tr/min de façon à pouvoir coupler directement des génératrices électriques sur les turbines des réacteurs d'avions, et supprimer les boîtes d'engrenages.

La suppression de ces engrenages et la diminution du nombre de pièces mécaniques, facilitée par la technologie des moteurs à aimants permanents et l'électronique de puissance, sont des tendances lourdes de la mécatronique. « Nous sommes désormais en mesure de fournir des entraînements directs pour des couples permanents allant de 15 à 6 100 Nm », précise Louis Banon, le patron de la société Alxion. Ces systèmes « gearless » (sans réducteur) se révèlent particulièrement intéressants pour les constructeurs de machines en termes de rendement, de précision, de maintenance et de compacité.

Dans le même esprit, mais à une toute autre échelle puisqu'il s'agit de trains, c'est également le souci de compacité qui a conduit Alstom Transport à faire le choix des aimants permanents terres rares pour les moteurs de ses futurs AGV (automotrices à grande vitesse). « Depuis les débuts du TGV, nous sommes passés par toutes les motorisations possibles », relate François Lacôte, le directeur technique de l'entreprise. D'abord des moteurs à courant continu (535 kW, 1 500 kg), puis synchrones à excitation (1 100 kW, 1 600 kg), asynchrones (1 250 kW, 1 600 kg), et enfin des moteurs synchrones à aimants permanents (700 kW, 720 kg), avec lesquels le constructeur vient de battre le record du monde de vitesse sur rail. Un tiers plus compact que son prédécesseur asynchrone, plus efficace (4 points de rendement supplémentaire) et moins bruyant, ce moteur est la clé de voûte d'une véritable révolution technologique chez Alstom : celle des bogies motorisés, en lieu et place de la motorisation concentrée dans les motrices. C'est à Ornans (Doubs), au siège de la plate-forme machines tournantes du groupe, qu'a été réalisé l'essentiel du travail de conception. Un gros effort en ma- tière de simulation notamment, avec le recours aux logiciels Flux 2D et 3D de Cédrat ainsi qu'à ceux d'An- sys pour le calcul des structures par éléments finis.

Cap sur l'éolien

Ces derniers permettent de simuler à 5 % près les grandeurs à l'intérieur d'un moteur. On peut ainsi réaliser le design électromécanique des machines en minimisant notamment les frottements mécaniques et le couple électromagnétique résistant. C'est en procédant de la sorte qu'Alxion a pu concevoir des alternateurs d'éoliennes Eoltec de 3 kW capables de démarrer dès le premier souffle de vent. Ces machines sont en l'occurrence destinées à l'irrigation des espaces verts situés le long de la route de l'aéroport de Nice.

D'une façon générale, les machines synchrones à aimants permanents, associées à des convertisseurs de fréquence, s'adaptent très bien à la production d'électricité éolienne et cela sur une très large plage de puissance (de 1 kW à plusieurs MW). En fonctionnant à vitesse variable, ces alternateurs exploitent au mieux la puissance éolienne disponible. Ce sont d'ailleurs des machines de ce type que l'opérateur allemand E. ON a achetées à ABB pour la future ferme éolienne offshore de Borkum, qui sera l'une des plus puissantes au monde avec une capacité installée de 400 MW. .

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