L’Inde, qui a gagné le surnom de « pharmacie des pays en développement » grâce à la puissance de son industrie générique, est aussi un pays où la moitié de la population n’a pas accès aux médicaments d’importance vitale.
Chaque année, 63 millions de patients tombent sous le seuil de pauvreté lorsqu’ils doivent se soigner. « Le coût de l’accès aux soins est l’une des premières causes de l’appauvrissement de la population, comme jamais auparavant », s’alarme le dernier rapport en date sur la santé publique, publié en décembre 2014 par le gouvernement indien. Avec une sécurité sociale quasi inexistante et des assurances médicales privées peu répandues, surtout dans les campagnes, l’achat de médicaments incombe au patient.
« La part des dépenses personnelles dans l’accès aux médicaments et aux diagnostics est l’une des plus élevées du monde », reconnaît le même rapport. En 2012, les frais de santé s’élevaient en moyenne à 6,9 % des dépenses d’un foyer en milieu rural, et à 5,5 % dans les zones urbaines. Dans le même temps, l’Inde représente 20 % de la « charge mondiale de morbidité », un indice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui calcule le nombre d’années de vie perdues du fait d’une mortalité prématurée ou de la maladie.
Les prix des médicaments dits « essentiels » sont pourtant encadrés par une agence gouvernementale. Mais dans un jugement rendu en 2015, la Cour suprême a estimé que la politique de fixation des prix était « irraisonnable et irrationnelle » après avoir constaté qu’ils étaient beaucoup trop élevés pour une grande majorité de patients. Plutôt que fixer lui-même les prix, le gouvernement indien préfère faire confiance à la compétition entre laboratoires pour baisser les tarifs.
En Inde, où les médicaments protégés par des brevets sont rares, la distinction se fait entre génériques de marque, et sans marque. Les fabricants indiens de génériques vendent ainsi la même molécule sous des marques et à des prix différents ! Et contrairement à l’usage aux Etats-Unis ou en l’Europe, la grande majorité des génériques vendus ne sont pas les moins chers mais ceux dont la marque inspire confiance.
Médecins sous influence
« Ce qui est déconcertant, c’est que le leader du marché sur un segment thérapeutique est aussi le plus cher, ou parmi les plus chers », constatent Anurag Bhargava et SP Kalantri dans un article intitulé « La crise dans l’accès aux médicaments essentiels en Inde : les questions clés qui exigent une action », paru en 2013 dans la revue Economic and Political Weekly. « On aboutit à cette situation du fait que les patients paient sans décider, alors que les médecins – largement sous l’influence des laboratoires pharmaceutiques – décident mais ne paient pas », poursuivent les auteurs.
Il vous reste 44.76% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.